samedi 20 décembre 2014

RSPO ou la mauvaise blague du durable



La manière la plus simple de remplacer la palme controversée, c’est de la remplacer par elle-même sans les controverses. Les industriels de la palme, pas fous, ont bien senti le vent tourner. Ils ont alors inventé l’huile de palme « durable », dûment certifiée RSPO. Par qui ? Par eux-mêmes, en instaurant au sein d’une table ronde des règles qui les arrangent. Et ces règles, déjà vides et sans grand intérêt réel, ils ne les respectent même pas forcément ! En réalité, les mêmes problèmes sont observés sur le terrain pour des exploitations durables ou non. Quelques arguments :

La certification durable interdit-elle la déforestation ?
Non ! Les forêts sont classées par niveau de préciosité : certaines parcelles sont donc considérées comme sacrifiables. A Sabah par exemple, seuls 16% de la forêt sont sous « protection ». Voilà qui laisse une bonne marge de manœuvre avec les 84 % restants ! Si les tourbières et forêts primaires sont protégées, les forêts secondaires ne le sont pas. Il est important de savoir que le défrichage d'une forêt est très rentable pour les société, cela permet pour ces dernières d'encaisser des liquidité pendant les premières années improductives des palmeraies. Mais ces critères ne sont même pas respectés[1]. Des relevés sur le terrain ont mis en évidence que les parcelles devant être protégées (PT SSS1) étaient quand même rasées. Les Amis de la Terre ont montré que les entreprises PT Budidaya Agro Lestari et PT Sandika Nata Palma (Sime Darby) avaient rasé des forêts protégées sur plusieurs milliers d'hectares pour planter du palmier à huile.
  • Sinar mas a déforesté sans permis à Kapuas Hulu et Danau Sentarum, entre autres.[2]
  • Wilmar a déforesté des zones de haute conservation et pratique le brulis dans le Sabah, entre autres[3]
  • Sime darby a détruit illégalement des forêts à Hutan Lindung (Ketapang ), entre autres[4]
  • Musim mas a déforesté illégalement à Kalimatan Ouest, entre autres[5] 
Ces entreprises font parfois l’objet de… blâmes au sein de la table ronde de la RSPO [6]

Donc non, la RSPO n'évite et n'interdit pas la déforestation contrairement aux diverses affirmations comme la nouvelle organisation de l'huile de palme durable française "Ainsi, depuis 2004, l’action engagée par la RSPO en faveur de la durabilité a déjà permis de certifier 2,2 millions d’hectares de palmeraies et contribué à sauver des milliers d’hectares de forêts". Naïveté ou manipulation?

La certification durable évite-elle la pratique du brulis ?
La technique du brulis est toujours utilisée, même pour les parcelles certifiées.[7]La pollution de l’air est donc un problème majeur dans bon nombre d’endroits.

La certification, favorise-t-elle les entreprises aux bonnes pratiques ?
Une industrie peut très bien avoir une partie de ses plantations certifiés et l’autre pas. C'est une manière de mettre en avant certaines d'entre elles et de faire oublier les autres.
De plus, les parcelles de palme installées sur d'anciennes forêts (ayant été à l'origine de brulis ou non) avant 2005, sont « certifiables »! Concrètement la RSPO permet du "blanchiment" d'huile de palme pour les plus grandes entreprises. De plus, la certification n'est pas adaptée aux petits producteurs indépendants, mais aux grandes compagnies. Ceci étant dit, les chose semblent évoluer.

Garanti 100% durable (image Greenpeace)
Au moins la certification évite les expropriations
Les conflits liés aux vols de terres par les entreprises de production de palme sont tout aussi importants pour les parcelles certifiées que les autres. Le problème réside tout simplement dans l’attribution des terres, pour les peuples chasseurs cueilleurs qui utilisent la forêt depuis des millénaires et pour les paysans qui exploitent leur terre depuis bien avant que l’existence du droit de propriété. D’ailleurs les expropriés ont plutôt intérêt à ne rien dire, car demander des compte leur vaut pour certains la prison. Au Libéria (en Afrique) Sime Darby est accusé d’avoir confisqué des terres à des agriculteurs locaux en violation des procédures RSPO[8]. Comme Wilmar[9] en Indonésie… Un exemple parmi tellement d’autres.


La certification, un moindre mal ?
Des plantation établies sur des forêts rasées avant 2005 peuvent prétendre à la certification. En conséquence, les nouvelles plantations industrielles de palme ont tout intérêt à être établies sur d’actuelles terres agricoles, que les paysans locaux n’ont d’autre choix que de déplacer vers les zones boisées[10].

La certification durable est assurée par le WWF ?
Le WWF est un des membre fondateur de cette table ronde. Démarche honorable mais récupérée par les industriels qui verdissent ainsi leurs actions en s’assurant une bonne publicité. Un risque. Ainsi ils peuvent dire de grosses bêtises comme « Le WWF a classé XXX dans la meilleure catégorie de son classement international, accordant à l’entreprise la note maximale de 9 points sur 9 (…). Les objectifs de la RSPO sont de promouvoir la production durable de l’huile de palme et de l’huile de noix de palme et d’empêcher la destruction des forêts tropicales ». Alors que la certification ne garantit en rien la préservation des forêts !!

Qui fait partie du jeu ?
Qui est représenté à la table ronde ? Un membre normal adhère pour la modique somme de 2000 € par année. Il y a 7 groupes de membres (www.rspo.org/page/792?q=categorystat le 01/12) :
  1. Les banques et investisseurs : 9, comme Crédit Suisse, Rabobank etc.
  2. Les industries utilisant la palme : 192, comme Ferrero, Findus (!), Unilever, Wilmar, Green Earth Fuels LLC et la célèbre Alsacienne de pâtes ménagères.
  3. Les producteurs de palme : 98, comme PT SMART Tbk (groupe Sinar Mas) etc.
  4. Commerçants et transformateurs de palme : 207, comme Cargill, BASF etc.
  5. Les détaillants : 37, comme Carrefour, Metro, Mac Donald's, Wal Mart, Casino etc.
  6. ONG sociales :10, comme Oxfam, Sawit watch etc.
  7. ONG environnemenatales :17, comme 4 WWF nationales différentes etc.
Vous remarquerez les proportions de chaque groupe. On retrouve aussi Syngenta, fabricant du toxique herbicide paraquat autorisé dans le cahier des charges de la RSPO.

La certification est une caution pour des industriels qui montrent patte blanche en mettant en avant des activités « durables » ; en réalité noyées dans leurs activités classiquesLes certifications sont au rabais, non respectées et sans intérêt écologique ou social, et en plus à la dérive[11][12]. Une façon de faire comme avant, circulez tout est sous contrôle. C'est bien dommage car l'idée était belle mais la certification n'a pas évolué de manière suffisante.


Une certification floue

Les plantations sont certifiées mais il est difficile pour le consommateur de pouvoir avoir un avis clair. 
Dans le meilleur des cas, l'huile de palme ségréguée, l'industriel utilisant de l’huile de palme RSPO a 100% d'huile dont il connait la provenance et qui est physiquement RSPO. La filière est indépendante du début à la fin.
Le mass balance, permet de mélanger les huiles tout en vendant au final que la quantité d’huile de palme RSPO réellement mise en œuvre dans le mélange. Un revendeur pourra mélanger 50 kg d'huile non certifiée et  50 kg certifiée. Au final il revendra 50 Kg d'huile certifiée mais qui en réalité contiendra 25 kg d'huile certifiée, et inversement en vendra 50 Kg non certifiée avec 25kg qui l'est. Ceci permet d'éviter des frais de séparation de filières.
Sinon, le système greenpalm (book and claim) permet d'acheter des certificats pour soutenir la RSPO, sans pour autant que l'huile de palme utilisée ne soit physiquement RSPO. En fait le certificat correspond à un volume réellement produit, mais est virtuel. Voir aussi lien


D'autres certifications ?

Le Palm Oil Innovation Group est l'embryon d'une nouvelle association à vocation internationale.  Greenpeace, le WWF, Forest Peoples Programme, Rainforest Action Network ainsi que trois groupes produisant de l'huile de palme (Golden Agri-Resources, New Britain Palm Oil et Agropalma) décident de changer les choses avec le POIG. Le but : de l'huile de palme 0 déforestation, des cultures vivrières des communautés locales préservées, des émissions de GES contrôlées, et enfin un traçage efficace de cette huile. Affaire à suivre




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